Accueil > Le Village > Les petites histoires
Histoire étonnante d’un curé de notre village
par
Dans le registre des délibérations du conseil de fabrique [1] de Villey le sec, j’ai trouvé une histoire étonnante qui a divisé le village pendant un bon moment.
Procès fait à M. BLONDAT instituteur, par son curé et faux commis [2] par Monsieur le maire dans la lettre à Monsieur le ministre des cultes.
Le 13 novembre 1899, Monsieur le curé a cité en chaire, la phrase suivante que les enfants ont entendue à l’école
Il y a des religions qui disent qu’à notre mort, notre âme va dans le corps d’une bête. Ces religions ont peut-être autant de raisons que la nôtre, vu que personne n’est revenu pour nous dire ce qui se passe après la mort.
Après la messe, Monsieur le curé somme M. BLONDAT instituteur de le retrouver le lendemain, jour des morts. L’instituteur garde le silence. Prudemment, il attaque Monsieur le curé par l’intermédiaire du ministère public, non point pour la susdite phrase dont il se garde de parler, mais pour des paroles dites en chaire contre les lois scolaires, contre le gouvernement, contre la préfecture et contre le maire de Villey le sec.
Cette poursuite est abandonnée dans un premier temps mais, après la condamnation des religieux Assomptionnistes de Paris [3], la procédure reprend et, le 14 mars 1900, le tribunal correctionnel de Toul condamne Monsieur le curé à 5 francs d’amende qu’il ne paiera qu’en cas de récidive pour le même délit dans un délai de cinq ans.
Mais le préfet, mécontent de ce « presque » acquittement, fait appel a minima. [4]
Le jeudi 26 avril 1900, durant la retraite préparatoire à la 1èrecommunion, la cour d’appel de Nancy condamne Monsieur le curé à 50 francs d’amende.
Le 24 mai, jour de l’Ascension, est répétée lors de la grande messe la phrase sacrilège dite à l’école. Monsieur le curé invite les fidèles à prier Dieu pour que la paroisse soit délivrée
Ou du pasteur qui serait infâme calomniateur ou de l’instituteur qui serait un impie.
Le dimanche 27 mai, le maire récemment élu, propose au conseil municipal de signer une demande de réprimande à Monsieur le Préfet à l’encontre de Monsieur le curé qui sème la division et, dans le cas où la réprimande serait inefficace, de déplacer le susdit pasteur.
Cette aimable requête a été signée par 6 conseillers après de nombreuses palabres et de débats dans les tribunaux.
Lors d’une réunion du conseil de fabrique, Monsieur le curé demande
Où est la loyauté de Monsieur le maire ou celle de Monsieur l’instituteur ? Le maire a-t-il signé sans la lire la lettre pour la préfecture ? De plus la délibération a été prise alors que Messieurs BARETTE et LORRAIN, président et trésorier du conseil de fabrique, avaient quitté la réunion pour raison personnelle.
Il ajoute que la lettre de Monsieur le maire a été un magnifique coup d’épée dans l’eau car il n’a reçu aucune nouvelle de Monsieur le ministre et que son traitement n’a pas été supprimé. Probablement parce qu’on pense qu’il poursuivrait le maire pour faux.
Le village finira par s’apaiser.
[1] Le conseil de fabrique désigne un ensemble de décideurs nommés pour assurer la responsabilité de la collecte des fonds et des revenus nécessaires à une paroisse catholique.
[2] L’infraction consiste dans le fait de commettre un faux dans un document délivré par une administration publique aux fins de constater un droit, une identité ou une qualité ou d’accorder une autorisation.
[3] De janvier à mars 1900 se déroule le procès de douze assomptionnistes, surnommés les douze « moines ligueurs »
[4] appel interjeté par le ministère public quand il considère comme trop faible la peine prononcée.